Quand les fils se touchent

mercredi, mars 29, 2006

La malveillance n'est pas que laideur

Soirée normale dans la vie d'une caissière. Depuis près d'une semaine, il y a ce foutu mal de dent qui persiste. La douleur lancinante de la sagesse qui pousse au fond de la bouche, telle une lame de rasoir qui essaie de se frayer un chemin hors de la gencive, mais qui ne le trouve pas. Je suis donc gelée en permanence sur les ibuprofènes et ma capacité de concentration reste relativement modérée. Il faut tout de même payer le loyer, donc je me retrouve derrière une caisse seule et à moitié endormie.

Un bel homme se présente à ma caisse. Il a peut-être 45 ans, un regard brun timide et des cheveux noirs. D'apparence très propre, je me surprends à me dire que j'aimerais bien que le père de mes enfants se conserve ainsi dans 20 ans. Il me donne donc son livre pour payer. Je le scanne, lui donne le prix et sort un sac. C'est là que tout bascule...

-«C't'un hold up, ouvre ta caisse pis donne moé l'cash.»

Il l'a presque murmuré. Encore dans ma bulle de drogue légale, je comprends pas vraiment. En fait, oui, je comprends, mais j'allume pas: un aussi bel homme peut pas être un voleur!? Je me dit que c'est peut-être un client avec qui je discute habituellement qui décide de me faire une mauvaise blague. Je ne le crois vraiment pas. Incapable de décrocher mes yeux des siens, je lui dis:

-«Tu me niaises?»

Sa main droite se met à remuer dans le pan gauche de sa chemise et j'y vois la forme d'une arme à feux...

-«Non j'te niaise pas, t'ouvres ta caisse pis tu mets l'argent dans le sac...»

Le tout d'un ton si calme que j'avais peine à le croire. Je mets donc les 20$ dans le sac, ne tenant pas nécessairement à savoir s'il y avait réellement un fusil dans sa chemise, et le reste suit. Pendant le temps que je mets l'argent dans le sac, tout ce que je me dis, c'est de regarder où il part en sortant: à gauche ou à droite. Je me dis aussi que je devrais appeler un gardien et la police, mais que je dois me débarasser de lui en premier lieu. Garde en tête où il part, Juli... Il prend donc son sac à lunch et se dirige tranquillement vers l'extérieur. Là, je me dis que s'il a vraiment un fusil, ce n'est peut-être pas une bonne idée que de le suivre vers la sortie pour savoir s'il monte ou descend la rue. Je suis donc restée derrière ma caisse jusqu'à ce que je ne le vois plus. Durant le 30 secondes d'action, je n'ai pas bronché d'un poil, aucune panique, maîtrise totale de mes émotions. Quand il est sorti, l'information s'est rendu à mon cerveau embué. Hésitaion de 4 secondes: j'appelle un gardien en premier ou le 911? J'appelle donc mon gérant et lui dit que je me suis faite «hold upper». Réaction courante, ça l'air, il me demande si je blague. Je lui dis que non. Pendant qu'il descend, je commence maintenant à paniquer. Les larmes me montent aux yeux et je tremble de tout mon corps, le tout sans aucun contrôle. Des clientes arrivant au comptoir pendant ce temps me demande ce qu'il se passe, je réponds donc en essayant de les servir, mais je tremble trop, c'est impossible. L'une d'elle me dit de me calmer, qu'elle peut très bien attendre, mais je continue à tout remuer. Elle me prend donc ses livres et m'ordonne d'attendre, de prendre le temps de me ressaisir un peu. Je compose donc le 911 en voyant mon gérant et lui passe le combiné.

Cet homme était-il là depuis deux heures ou depuis deux minutes? Personne n'a rien vu, tout s'est passé tellement vite et tellement calmement que personne n'aurait pu être alarmé sur le moment... Je l'ai vécu ou seulement imaginé?? Les caméras me prouve que ça s'est passé, donc les drogues légales ne font toujours pas halluciner!

9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

... et quelques 30 minutes plus tard, quand je suis allée fumer ma cigarette avec elle dehors, elle faisait même des blagues! Elle disait qu'elle aurait dû commencer par les «cennes noires» pour le faire chier...
Juli, comme je te l'ai dit hier, j'admire la faculté que tu as de retomber sur tes pattes aussi vite, comme un chat.

11:07 a.m.  
Blogger Mamathilde said...

Ton texte est très fort, j'avais l'impression d'y être. Et je n'étais pas du tout confortable. Pauvre cocotte!

11:15 a.m.  
Blogger La Dame du Lac said...

Oh god!!! O_o; Quelle histoire!!!

Hey Ju, quel sang froid! ^_- J'espère que je me ferai jamais holdupper....mais c'Est sûr que de jour la fin de semaine y'a un peu moins de chance...

en tout cas, comme dis Mathilde, ton texte est fort. On sent exactement comment tu te sentais pendant ce temps là!!

11:17 a.m.  
Blogger Juli said...

Jen: Merci!

Mamathilde: Merci!!

Dame du lac: bah, si ça arrive, envoie le au caissier flottant en lui disant que ça vaut plus la peine!! ;)
Et merci!

11:34 a.m.  
Blogger La Dame du Lac said...

HAHAHAHAHAHA!!!!!

Y vont trouver qu'on a un bon service chez RB OHOHO

11:39 a.m.  
Anonymous Anonyme said...

Ma p'tite princesse, reste forte!

(J'en reviens pas de voir a quel point ca peut arriver n'importe quand, a n'importe qui. En 3 ans de caisse, ca ne m'est jamais arrivée, je capote de la chance que j'ai eu, car je ne crois pas que je réagirais comme il faut dans un tel cas.)

On va s'occuper de toi, pitchounette, repose-toi et pense a des choses agréables!

1:36 p.m.  
Anonymous Anonyme said...

Pense aux petits chats qui font rire :)

11:11 p.m.  
Blogger La Dame du Lac said...

Les petits chats qui font rire??

1:23 p.m.  
Anonymous Anonyme said...

boo: ca devait etre charles, il était 7h30 du soir, gilles est parti a cette heure la!

Mais j'avoue que l'image de Gilles... Ah Ah!

4:32 p.m.  

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