Quand les fils se touchent

jeudi, août 03, 2006

Électricité

Valmont se retrouvait sur le pas de la porte. Ça faisait déjà quelques temps qu'il ne s'était pas retrouvé là, seul avec son grand-père. L'odeur de la nature lui rapportait plein de souvenirs en tête, le bruit des insectes emplissait ses oreilles et ce paysage, vu à maintes reprises il y a quelques années lui apportait le calme dont il avait besoin.

Sa grand-mère était partie durant quelques semaines laissant son mari seul avec son frère, qui n'était pas là plupart du temps de toute façon. Il avait donc décidé d'aller passer quelques jours avec cet homme qui l'avait élévé comme son fils. Pour la première fois de sa vie, il serait seul avec lui, avec cet homme qu'il trouvait autrefois si dur et que maintenant il aimait tant. Après le souper, il s'assit sur la véranda, attendant que la nuit tombe pour pouvoir observer les étoiles. À chaque ressourcement à la campagne, c'était son activité nocturne. Par contre, ce soir-là, les nuages étaient au rendez-vous, il n'aurait donc pas la chance de se perdre dans le fil de ses pensées en regardant toutes les autres planètes dans cet espace immensément grand.

Il rentra donc à l'intérieur et demanda à son grand-père s'il voulait bien écouter un film avec lui. Les deux hommes se retrouvaient donc assis, silencieux, côte-à-côte, à écouter un vieux western. Jusqu'à ce que les nuages éclatent dans un torrent incoyable, coupant le courant. Café en main, ils allèrent s'asseoir sur la véranda et observèrent ces énormes réservoirs d'eau et d'électricité se décharger vers le sol. Les éclairs marbraient le ciel, la pluie abreuvait les plate-bandes adorées de sa grand-mère et le tonnerre grondait d'un son si fort qu'il sursautait presqu'à chaque fois. Après une demie-heure de déchainement de la nature si intense, il se dit qu'il n'avait jamais été aussi calme depuis un bon bout de temps. Son grand-père à côté de lui, une discussion paisible et le noir de la nuit qui les entourait. Il était heureux, loin de se douter que ce n'était que le calme avant la vraie tempête.

Le courant étant revenu, il retournèrent à leur télévision, le moyen de communication le plus simple entre les deux hommes. Le téléphone sonna, c'était le petit frère qui annonçait son retour à la maison dans quelques instants. C'est la tempête psychotrope qui débarqua. Un être sur le qui-vive, sur la défensive, qui hurlait à un rien. Il n'arrêtait pas de gesticuler, guidé par des spasmes qui n'étaient pas les siens, n'arrêtant pas de boire de l'eau, boire de l'eau et boire encore de l'eau. Tout ce qui sortait de sa bouche étaient insultes et rabaissements. Le patriarche, habitué à la manoeuvre, tentait tant bien que mal de désamorcer la bombe «speedé» sans même se rendre compte que la drogue était en jeu. Il encaissait les injures sans broncher, en tentant de résonner l'être en face de lui, en vain. Valmont sentait la rage monter en lui. Il aurait tant aimé foutre une raclée à l'être immonde qui s'appitoyait sur son sort en continuant de descendre plus bas, entraînant les autres dans sa chute, mais voyant bien que le grand-père croyait que ce n'était que l'adolescence qui parlait, il ne voulait pas en rajouter. Alors il regardait ce triste spectacle sans pouvoir rien faire.

La boule de rage dans son abdomen ne voulant disparaître, il alla s'asseoir à nouveau sur la véranda, écoutant la dispute qui passait au travers des fenêtres fermées. Il s'imaginait à la place de son grand-père, qui vivait ces bombes plusieurs fois par semaines, sans pouvoir y faire quelques chose sauf tenter de les désamorcer. Au bout d'une heure, il avait réussit. Le frère remonta l'escalier et alla se coucher. Et les deux hommes retournèrent à leur télévision, en silence.

Valmont pensait à son grand-père assis à côté de lui. Il était si calme, si serein. Il imaginait comment devait être la vie dans cette maison où l'électricité menaçait de décharger son trop plein sur n'importe qui. Il se demandait si la bombe comprendrait un jour tout ce qu'ils ont fait pour elle. Mais surtout, il se demandait s'il réussirait à obtenir au moins la moitié de la sagesse de son grand-père, qu'il estimait énormément.

4 Comments:

Blogger Chocolyane said...

Je suis bouche-bée.

Excellent texte, qui m'a beaucoup remuée...

12:42 p.m.  
Anonymous Anonyme said...

Super texte Juli!!!

J'ai hâte de te revoir!! ;)

12:49 a.m.  
Blogger igby said...

Je te reconnais ;) Y a de toi, de ta vie, là-dedans. C'est touchant. (Janette, dégage de mon corps, bordel!) ;) :P

10:14 p.m.  
Blogger Juli said...

RIRES!!!!!!!! Du con....

1:28 a.m.  

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